Paru le 29 août dans Sud Ouest:
Lot-et-Garonne : ils survivent à quatre avec 700 euros
Un couple avec deux grands enfants survit avec les 705 euros versés dans le cadre du RSA. Ni auto, ni vacances, ni cinéma. Mais de la dignité.
« Je jongle sans arrêt. C’est dur. Je redoute le passage du facteur. »
«J’espère un jour mettre la tête hors de l’eau. Le plus vite possible ! Si je tiens, c’est pour mes enfants. Ma seule priorité. J’y consacre toute mon énergie. Je n’ai plus de motivation pour moi, plus envie par exemple de me maquiller. Je m’oublie. »
Cinquantenaire, cette Agenaise est sans emploi depuis 2009. Son mari un peu plus âgé est handicapé depuis une dizaine d’années, mais ne touche aucune allocation. Le couple vit dans un immeuble au premier étage avec deux grands enfants de 14 et 20 ans. L’aînée, qui vient d’obtenir un CDD, devrait bientôt quitter un foyer qui vit avec le seul argent du RSA.
« Notre budget ? 680 euros par mois, car nous versons un peu plus de 20 euros pour rembourser un prêt pour de l’équipement ménager. Notre loyer, charges comprises, va passer au 1er septembre de 51 à 57 euros. Une fois que vous avez payé gaz, eau et électricité… Quand je n’y arrive pas, ce sont ces factures en premier que je ne paie pas. Nous avons été coupés plusieurs fois en eau et en électricité. Je jongle sans arrêt. C’est dur. Je redoute le passage du facteur… Je me dis : qu’est-ce qui va encore me tomber sur la figure ? »
Dernières vacances en 2003
« J’ai dû aller une fois au ciné en un an. Le Mc Do ? Non », relate le fils. Les dernières vacances de la famille remontent à 2003. « Nous avions été en Bretagne pendant trois semaines, en camping. Je m’en rappelle, l’eau était salée ! », poursuit le collégien. « C’était grâce à la CAF, ça nous avait coûté une cinquantaine d’euros, plus le voyage. Depuis, les vacances se résument aux quatre murs de notre appartement », relève sa maman.
Laquelle reconnaît que « moralement, c’est difficile. Heureusement, nous sommes solides. Nous avons de bons voisins. Côté famille, nous avons été écartés. Nous ne sommes pas assez bien pour eux. Mon fils ne connaît pas ses grands-parents. Ils vivent en Normandie et en Alsace. »
Digne et combative, cette femme qui suit un projet avec le centre social d’Agen, ne baisse pas les bras. « Je suis prête à travailler. Je tiens le coup sans médicament. Et il n’y a pas de dépenses inutiles à la maison. On a renoncé à la voiture il y a une dizaine d’années. Nous avons un téléphone à carte que nous rechargeons quand on peut. Je ne pensais pas un jour tomber aussi bas. La dégradation a été progressive. À une époque, il ne manquait pas grand-chose pour s’en sortir. On n’a pas eu le coup de pouce au bon moment ! »
« Je ne m’attendais pas à recevoir de retour à mon courrier. Surtout, la réponse ne reste pas à la seule démarche d’intention. Je suis à la disposition de Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé auprès du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé », note Corinne Griffond. Elle a écrit à Nicolas Sarkozy lors de sa venue en Lot-et-Garonne, fin juin, au double titre de vice-présidente de l’Union nationale des associations familiales et d’adjointe agenaise à l’action sociale et à la lutte contre l’exclusion.
Son interrogation portait sur les ménages qui souscrivent un crédit afin de régler leurs dépenses de santé. « Ces microcrédits concernent 10 % des familles en France et 4 % dans le Lot-et-Garonne. Il y a malaise ! Rien ne dit que cela va aller en baissant. L’État n’a aucun intérêt à ce que nos concitoyens ne se soignent pas. »
Les travailleurs pauvres
Corinne Griffond a développé ces éléments dans un article du journal « Le Monde » (1) consacré au surendettement. Le chercheur Georges Gloukoviezoff expliquait que « le crédit au sein de la société française sert de complément de revenus en raison de la précarisation de l’emploi et de palliatif aux carences de la protection sociale. »
Si les dépenses pour les soins sont la cause, pour partie, du surendettement des ménages, il y a sans doute matière à réflexion. « Je suis prête à travailler avec Nora Berra afin que l’on regarde de plus près les plafonds de ressources. Notamment ceux impliquant les travailleurs pauvres qui n’ont pas forcément besoin de la gratuité de la CMU complémentaire, mais d’une aide. Il faut négocier avec les mutuelles sur les niveaux de prestations et les montants, il faut revoir les contrats en fonction des profils des personnes. Il y a un vaste chantier à mener », concède Corinne Griffond.
(1) Mardi 2 août : « Le surendettement se propage parmi les ménages les plus démunis ».